Un peu comme dans retour vers le futur, nous prenons la route ce matin en direction du passé et de l’art préhistorique Namibien.


On traverse d’abord le territoire des Himbas, l’une des rares ethnies à avoir autant préservé ses traditions malgré la colonisation. La magnifique piste C40 serpente entre d’imposant kopjes de terre rouge où l’on croise parfois des femmes himbas, au corps enduit de peinture, tout aussi rouge que les kopjes, pour se protéger du soleil brûlant.

Alors qu’on se sentait bien conduire quelques heures de plus, on arrive sur le site de Twyfelfontein, compliqué à prononcer mais simple à apprécier. Le site impressionne forcément le visiteur avec ses milliers ses gravures à la portée (pré)historique.


Elles furent réalisées il y a plus de 5000 ans par les San, ancêtres des Bushmen, une ethnie de chasseurs-cueilleurs d’Afrique australe qui perpétue encore aujourd’hui un mode de vie ancestral et nomade, malheureusement menacé gravement par le monde moderne et son concept de propriété privé qui réduit à néant leur espace de vie.
Les lithographies du site révèlent la dimension sacrée des animaux qui partageaient la savane avec les San : les rhinocéros dont la corne fabrique les nuages, les girafes dont le cou permet à la pluie de descendre du ciel, les éléphants marquant de leurs empreintes le chemin vers l’eau et enfin le lion à la queue en forme de main humaine, celui en qui le chaman se transforme lors de ses trances pour communiquer avec les esprits de la nature.



On retrouve même des gravures de pingouins et d’otaries, qui indiquent que ce peuple avait parcouru le désert jusqu’à la côte, à deux cents kilomètres de là, avait survécu et était revenu… impressionnant !

Malgré cette preuve que le voyage à pied est possible, on est content d’avoir notre voiture pour faire le trajet.
Le prochain camping se situe d’ailleurs au milieu du désert, et se compose d’un beau lodge avec piscine, où nous ferons un saut rafraichissant, d’une télévision satellite, où nous regarderons un ennuyeux match nul entre la France et le Danemark, et d’espaces de camping à quelques kilomètres de là pour garer notre voiture et dresser notre tente au milieu de nulle part.

On note bien l’interdiction de rejoindre seul le lodge à pied à partir de la zone de camping à cause des lions qui rôdent dans les parages depuis plusieurs semaines. On note aussi le conseil de ne pas laisser d’oranges dans le coffre de la voiture sous peine de voir celle-ci éventrée par les éléphants du désert qui en sont friands.

Le soir venu, on se sent privilégiés d’admirer le coucher de soleil dans un tel endroit et tandis que l’on rêvasse et que la nuit tombe, des chants s’élèvent du désert … tout simplement magique ! Poussés par la curiosité, et bien qu’un peu inquiets de la présence d’éventuels lions, on part à la rencontre des chanteurs postés à quelques centaines de mètres de là : un chœur formé d’une vingtaine de personnes de la tribu des Damaras, hommes, femmes et enfants, sont là pour récolter quelques sous en faisant partager leur culture chantée et dansée. C’est beau, simple et authentique. On rentre se coucher heureux sous une voie lactée qui brillent intensément dans l’obscurité du désert.
Après les gravures, place aux peintures ! La matinée du lendemain est l’occasion d’aller visiter le site de la célèbre « dame en blanc », à proximité du camping. Accompagnés d’une guide locale on suit le lit d’une rivière asséchée pendant une heure jusqu’à découvrir cette fresque qui alimenta la chronique archéologique en son temps. Elle était soi-disant la preuve que des explorateurs venus d’Europe (et notamment une femme) avaient atteint l’Afrique australe et rencontrés les Bushmen il y a plus de 2000 ans. Ce n’est que bien des années plus tard que la théorie fut réfutée ; la dame blanche serait en fait juste un chaman de la tribu des Bushmen…



On retourne au camping dans l’après-midi pour se reposer, faire quelques lessives à la main, planifier la route des jours suivants et profiter encore une fois des étoiles.
Selon le plan, l’étape du jour suivant doit s’achever dans la troisième plus grande ville du pays, Swakopmund, plantée sur la côte à plus de trois cents kilomètres de là, et le désert du Namib entre nous.

Nous empruntons la route panoramique, apercevant de temps à autre des vendeurs de cristaux qui sortent comme de nulle part au milieu du désert, immense et vide.
Face à tant de pierres exposées, on décide de tenter notre chance et d’arrêter la voiture pour aller flâner entre les cailloux à la recherche de trésors minéraux. On ne dégote que des morceaux de quartz mais on s’est bien dégourdi les jambes et on a vu quelques Welwitschias, ces incroyables plantes archaïques, seules capables de survivre à l’aridité extrême du désert et dont certaines atteindraient 2000 ans d’existence !


La route reprend et traverse alors des paysages époustouflants d’étendues rocailleuses accidentées, de plaine rouge et poussiéreuse désespérément vide et de savane jaunie et rase hérissée de noires plaques d’ardoise menaçantes. Et puis l’Océan. Le désert s’étend jusqu’à la côte et se transforme encore, de tapis de lichens multicolores en champs salins blanc et ocre à la fois, avec l’infini bleu du ciel et de l’Atlantique toujours en arrière-plan.




Déjà 100 kilomètres sans apercevoir de signe de vie le long de ce littoral au nom évocateur de Skeleton Coast, littéralement « côte des squelettes » lorsque nous nous arrêtons à Cape Cross. On y découvre le contraste saisissant offert par la colonie d’otaries résidentes : il y en a des milliers, ça braille, ça pue, ça roupille ou ça gigote dans tous les sens, ça se chamaille, ça se monte dessus, bref, ça déborde de vie !

Le jour avance, la route continue, un dernier détour pour apercevoir l’un des nombreux navires échoués qui donnèrent leur nom à la côte, une vitre arrière cassée et réparée avec du scotch et un sac poubelle, puis Swakopmund nous attend pour une nuit bien méritée.
