L’aventure en Asie du Sud-Est continue avec le Cambodge !
Atterrissage en douceur à Phnom Penh où nous retrouvons Oriane, une amie de Bristol, pour le week-end. Elle est installée dans la capitale khmère depuis cinq ans et est la guide parfaite pour nos premiers pas dans le pays.

Dès le premier matin, elle nous invite à petit-déjeuner. C’est l’occasion de se mettre à la page de nos aventures respectives et d’en apprendre énormément sur la vie ici, la culture, les cambodgiens, l’évolution du pays ces dernières années, les choses à voir, à manger et à faire.
On flâne quelques heures dans son marché favori : un endroit haut en couleur, peu touristique et très animé ! On déambule entre les étals de légumes, fruits, poissons et viandes au rez-de-chaussée avant de découvrir fournitures scolaires, cosmétiques, tissus et ateliers de couture à l’étage. Le marché revêt en fait des allures de supermarché à la différence que chaque étal est tenu par une famille indépendante. On y trouve des piles de rechange pour nos montres, des jus de canne à sucre pour nous rafraichir et des mangoustans pour le dessert. C’est aussi l’occasion d’entendre Oriane parler khmer ; on est impressionnés !



Elle continue de nous faire découvrir son Phnom Penh en nous emmenant déjeuner dans le restaurant où elle mange en semaine avec ses collègues de travail. On s’installe dans un petit établissement de quartier, typique, où l’on nous sert un bouillon crémeux à l’aubergine et aux vrais morceaux de poulet ainsi que du poisson séché à déguster avec de la pastèque (la douceur de cette dernière contrebalançant la force du premier). C’est étonnamment bon ! Juste à côté résonnent les bruits d’un préau où des jeunes jouent au volley, sport très répandu au Cambodge, alors que des hommes plus âgés préfèrent se confronter aux échecs.



A force de papoter, l’après-midi est déjà bien avancée et nous quittons Oriane le temps d’une visite à l’ancienne prison S21, devenue musée et retraçant les atrocités commises sous le régime des Khmers Rouges.
La prison a été installée dans un ancien lycée. Le cadre est austère et pourtant il règne une certaine douceur dans la cour où des frangipaniers dégagent leur doux parfum. La visite guidée par audioguide (très bien faite) invite au silence et c’est bien ce qu’il y a de mieux à faire dans ce lieu qui a vu tant de gens souffrir et mourir sous la torture.

Arrivés au pouvoir dans le contexte agité de la guerre froide, et profitant des tensions régionales déclenchées par la guerre du Vietnam, les Khmers Rouges menés par Pol Pot ont tenté d’imposer au pays un communisme radical, basé sur une société agraire sans classe et où les villes n’existeraient plus.
Lors de leur prise de pouvoir en 1975, ils vidèrent peu à peu les grandes villes du pays de leurs habitants, les forçant à migrer vers les campagnes. A Phnom Penh, la prison S21 devint le lieu de détention des ennemis du régime.
Plus qu’une simple prison, on découvre qu’il s’agissait d’un outil puissant et secret du régime. Les individus considérés comme hostiles à la révolution communiste étaient emmenés ici sans forme de procès pour être torturés et obtenir des aveux (pas toujours véritable compte-tenu des atrocités qu’on leur faisait subir) qui signaient automatiquement leur arrêt de mort. Ici moururent ainsi près de 20000 personnes, contribuant tristement aux 1,7 millions de victimes estimées du régime (et ce en seulement 4 ans). Et vous pouviez en faire partie si vous portiez simplement des lunettes car vous étiez alors considéré comme une dangereuse élite intellectuelle.

Le musée mêle habilement l’histoire du pays à celle des gens qui passèrent entre ses murs. Sans concession, parfois très violent dans les mots et les images, le S21 est une claque qui s’achève par des mots marquant sur le travail de mémoire, dans l’espoir que de pareilles horreurs ne se reproduisent plus jamais.
Le soir venu, on retrouve Oriane dans un restaurant à l’ambiance beaucoup plus légère. Elle est avec une amie cambodgienne et toutes deux nous font découvrir quelques spécialités culinaires du coin, notamment la langue de bœuf aux fourmis rouges. C’est bon, mais il ne faut pas regarder l’assiette de trop près.

Le lendemain, dimanche, Oriane nous mène hors du centre-ville pour découvrir à vélo un coin plus traditionnel et rustique de la capitale. Dix minutes de tuktuk et une traversée en bac plus tard et nous sommes sur Koh Dach, l’île de la soie.
On engloutit un petit déjeuner typique à base de nouilles, de bouillon de poulet et de café glacé au lait concentré et on enfourche nos vélos pour une agréable balade au bord du Mékong, sur des routes en terre qui serpentent entre temples, échoppes et maisons traditionnelles.


Historiquement construites en prévision des crues du fleuve, les maisons sont ici montées sur pilotis. Entre ces derniers, au rez-de-chaussée, campent les métiers à tisser qui donnèrent son nom à l’île.


Le soleil est écrasant, alors on s’hydrate bien et on fait régulièrement des pauses à l’ombre. L’opportunité de goûter tous les petits en-cas d’un Khmer en week-end : jus de canne à sucre, mangues, pommes jacques et autres crêpes cambodgiennes craquantes.


La grande pause du midi se fait dans un restaurant flottant sur le fleuve, tellement calme et paisible que Damien fera même une sieste dans le hamac juste après avoir réglé son compte à un poisson-chat grillé du Mékong.

Nous rentrons affronter les embouteillages de Phnom Penh à l’heure de pointe, puis on quitte Oriane sur le pas de sa porte après l’avoir remercié d’avoir été une super guide locale et lui avoir souhaité bon courage pour le boulot qu’elle reprend Lundi.

Nous, nous poursuivons notre découverte du Cambodge plus au Sud-Ouest, du côté des îles Koh Rong. Un bus doit nous emmener de Phnom Penh à Sihanoukville puis un bateau nous faire traverser dans la foulée le bras de mer qui sépare Sihanoukville de la petite île de Koh Rong Sanloem ; tout le monde nous ayant vivement déconseillé de séjourner à Sihanoukville.
Seulement voilà, notre bus a deux bonnes heures de retard. Du coup, nous manquons notre bateau et nous retrouvons coincés jusqu’au lendemain matin dans cette ville qui tire son nom du roi khmer Sihanouk.
On dégote deux lits en dortoir dans une auberge à proximité de l’embarcadère et on se résigne à passer la nuit ici. Très vite, on comprend pourquoi les gens déconseillent de rester dans le coin. La « gentille station balnéaire », selon le guide datant de 2011 qu’Oriane nous a laissé, s’est complètement métamorphosée sous l’impulsion des investissements chinois. En moins de dix ans, la ville est quasiment passée sous leur contrôle total. Ils ont racheté tous les terrains et les commerces et on fait des lieux une sorte de Macao au Cambodge avec des gratte-ciels qui poussent partout et des centaines de casinos.
Au milieu de tout ça, notre auberge semble presque abandonnée. Elle ne ressemble plus du tout aux photos trouvées sur internet, le bâtiment principal de style colonial ayant été détruit. La piscine est cependant toujours là, mais pour combien de temps ?
Avec ses mauvaises herbes, ses quelques touristes éparpillés autour, les immeubles en construction au second plan et la saleté omniprésente, elle nous offre dans la lumière poussiéreuse du soir un tableau presque post-apocalyptique.

S’ajoute à ça la rencontre d’un anglais louche, en « volontariat » à Sihanoukville depuis neuf mois et qui tente de nous vendre tout et n’importe quoi, du spectacle de feu, au trajet en moto pour aller au supermarché, en passant par sa moto elle-même. Il rajoute une touche finale au tableau, humaine mais déprimante.
La nuit est courte, hachée par le bruit des chantiers où les ouvriers travaillent sans cesse et celui des casinos-boites de nuit où la nouvelle classe supérieure chinoise vient dépenser son argent. A défaut de pouvoir bien dormir, on lit quelques articles sur cette ville qui nous intrigue. On apprend que les casinos servent apparemment à blanchir l’argent sale des trafics en tout genre, qu’ils sont interdits aux cambodgiens et qu’on y sert alcool et cigarettes gratuitement et à volonté. La drogue, la violence et la prostitution semblent aussi désormais gangrener ce qui était il y a moins de dix ans une petite ville de bord de mer aux maisons coloniales et un paradis pour routards.
La colonisation des temps modernes nous saute en pleine face et on découvre un monde qui change vite, trop vite, où les populations locales n’ont pas leur mot à dire et l’environnement pas de place.
Paradoxalement, nous sommes contents d’avoir manqué notre bateau et passé la nuit ici, car la ville, hors des circuits touristiques habituels, montre une autre face pourtant bien réelle du monde actuel.
On est tout aussi content, sinon plus, de mettre les voiles au matin pour Koh Rong Sanloem ! Une fois débarqués, on a encore quarante minutes de marche à travers la jungle avec nos sacs sur le dos pour atteindre le paradis protégé qu’est Sunset beach.

Ici, pas de grand hôtel, pas de casino, encore moins d’internet et de téléphone, juste quelques tentes et bungalows à l’ombre des arbres, face à la mer et sur une plage magnifique.


On y passe quatre jours relaxant dans les hamacs d’une auberge tenue par deux frères bretons, à faire du kayak, du masque-tuba, nager avec les planctons bioluminescents une fois la nuit venue et rencontrer des gens sympas autour du filet de volley, de la table de billard, du terrain de pétanque ou d’un verre.
On fait connaissance avec Christophe et Sylvie, un couple de Dieppois trentenaires, forcés d’écourter leur tour du monde car leurs espoirs de famille se sont vus concrétisés seulement quelques mois après leur départ. Des gens adorables qui nous donneront plein d’informations utiles sur le Vietnam dont ils arrivent juste pour que nous puissions organiser notre voyage là-bas.
Il y a aussi Marco et Marie, un couple au milieu de la vingtaine qui tient une boutique de souvenirs à Dinard, avec qui on a bien discuté au restaurant, parié pas mal de pastis à la pétanque et au billard et auquel on donne rendez-vous du côté de Siem Reap.

Et puis, Eddy et Stéphane qui tiennent l’échoppe de kayak de la plage et rendent notre dernière soirée sur l’île bien festive à l’occasion de l’anniversaire d’Eddy.

Enfin on n’oublie pas monsieur Gecko, remarquable par sa taille et qui trainait régulièrement dans notre chambre.

Après tout ce repos, on repart sur le continent, direction Kampot pour … se reposer. Oui mais au bord d’une rivière cette fois !
Destination prisée des habitants de Phnom Penh pour le weekend, Kampot est une bourgade tranquille au bord de l’eau et où il fait bon vivre.
On fait preuve une nouvelle fois d’une organisation sans faille en réservant notre logement à bord du bus qui nous mène à Kampot. Chanceux, on parvient à prendre la dernière chambre à l’Eden Eco Village que nous a conseillé Oriane. Sur place, on comprend pourquoi l’établissement est tant prisé : installé à l’écart de la ville, c’est un véritable havre de paix avec ses bungalows en bambou et la terrasse donnant directement sur la rivière.


On passe ici aussi quatre jours à profiter du calme pour travailler le blog. Des cours de yoga sont proposés gratuitement aux hôtes tous les matins et on en profite pour ouvrir nos chakras avant d’aller se rafraichir dans la rivière. Nos estomacs sont gâtés aussi grâce aux excellentes cuisinières du restaurant qui concoctent pour un prix très modique de délicieux repas khmers à base de produits bio et locaux.




La région de Kampot est fameuse pour ses plantations de poivre (le meilleur du monde parait-il) et c’est à dos de scooters que l’on part les découvrir le temps d’une journée. La campagne est aussi agréable à traverser que la route est défoncée (on déchirera même un pneu sur les derniers kilomètres qui nous ramène au village, c’est dire).

Pour en apprendre plus sur la fameuse épice, on visite la bien nommée « La Plantation », une belle coopérative à visée sociale, montée par un couple franco-belge, et qui offre une visite guidée gratuite pour tout comprendre de la culture du poivre. On y apprend notamment que le poivre est une liane originaire d’Inde, qui pousse à l’ombre d’un arbre « hôte » qui lui sert de tuteur, mais aussi qu’elle s’autopollinise et qu’à l’image des poivrons, les poivres verts, rouges, noirs et blancs sont en fait issus d’un même pied. Les lianes produisent en effet des grappes sur lesquelles 30% des grains sont rouges et les 70% restants verts. Les rouges sont séchés alors que les verts sont mangés frais ou mis à sécher pour rallonger leur conservation, c’est alors qu’ils deviennent noirs. Le poivre blanc, enfin, est issu des graines de poivre rouge qui une fois séchées, sont débarrassées de leur peau.



La visite s’achève par une dégustation relevée de tous les types de poivre produits ici et une faim grandissante. Il est passé midi et on file vers la petite ville de Kep, un peu plus loin sur la côte, pour flâner sur son marché aux crabes et déguster son fameux crabe au poivre de Kampot… un délice !


On quitte Kampot le lendemain après-midi vers 15h pour 450 km en bus à travers le pays afin de rallier Siem Reap, la ville aux portes d’Angkor Vat.
Pas vraiment aidés par le manque d’informations claires sur les transports disponibles, on atterrit dans un premier bus qui s’arrête à Phnom Penh après quatre heures de route secouante et poussiéreuse. La compagnie auprès de laquelle nous avons pris nos billets nous transfère alors immédiatement dans un second bus avec des couchettes basiques et qui nous mène à Siem Reap en cinq heures de route supplémentaires. L’arrêt-minute dans une boulangerie-pâtisserie khmère aux productions douteuses est le point fort du trajet. Incapables de savoir de quoi sont faits les pains et sortes de viennoiserie disposés devant nous, on se décide pour quelque chose qui ressemble à une part de pizza. Raté, c’est une sorte de viennoiserie à la crème pâtissière et saucisses, agrémentées de poisson séché… On avale notre maigre dîner dans une grimace et on tente de s’endormir jusqu’à ce que le bus s’allume à 2h00 du matin : Siem Reap, tout le monde descend !

Alors que certains font encore la fête, on rejoint notre hôtel en tuktuk, surpris de ne pas être plus fatigués. Après avoir posé les sacs et avalé un café, on repart à 4h du matin avec le même tuktuk pour acheter nos billets trois jours et filer contempler le lever du soleil sur le temple d’Angkor Vat. Big Man, notre chauffeur, s’avère plus fatigué que nous et s’assoupit régulièrement au guidon de sa bécane malgré la musique pop que crache ses hauts parleurs. On se rappelle alors les mots d’Oriane et le maigre salaire des chauffeurs de tuktuk indépendants qui pour certains vivent carrément dans leur véhicule et dorment entre deux courses dans un hamac dépliés sous le toit.

Après un lever de soleil mémorable sur Angkor Vat, on décide de ne pas visiter immédiatement l’intérieur du célèbre temple afin d’éviter la foule. A la place, on rejoint Big Man pour entamer la « petite boucle » des temples dans le sens anti-horaire.

On enchaine les superbes temples de Prasat Kravan, Banteay Kdei, Ta Prohm, Ta Keo, Angkor Tom… Notre précieux guide greffé à la main pour comprendre l’histoire et la signification des différents sites, nos yeux collés aux vieilles pierres pour en voir tous les détails et nos mâchoires qui raclent le sol tellement tout est magnifique.


On achève cette longue journée par les deux temples qui pour nous sont les plus beaux : le Bayon d’Angkor Tom et ses majestueuses têtes de Lokesvara, et Angkor Vat et ses incroyables fresques murales en bas-reliefs.



On savait que le site d’Angkor était touristique et pour être francs, on s’attendait à être un peu déçus, voire blasés, surtout après avoir vu Bagan au Myanmar dans une quiétude incomparable. Et pourtant, dès le lever de soleil, on a compris qu’il n’en serait rien. Le site est tellement grandiose et majestueux que même la foule des touristes n’arrive pas à entacher notre émerveillement.
Il faut dire que le site symbolise l’apogée d’un empire khmer qui s’étendait alors du Myanmar à l’Ouest, au Delta du Mékong, aujourd’hui Vietnamien, à l’Est, et du Laos au Nord, jusqu’à la péninsule Malaise au Sud. Sa richesse et sa puissance furent fondées sur la maitrise des systèmes d’irrigation d’eau, très avancés pour l’époque, qui se matérialise par les immenses bassins artificiels dont le site est ponctué. En outre, comme s’il ne suffisait pas d’avoir un seul gros temple, chaque nouveau roi faisait construire le sien afin d’être assuré de rejoindre après la mort le dieu auquel il avait dédié son édifice. Les temples ont ainsi évolué architecturalement au cours du temps alternant influences hindouistes et bouddhistes suivant que l’empereur était de tel ou tel religion.
Pour notre deuxième jour de visite sur le site, nous parvenons à louer un scooter (normalement interdit pour les touristes mais tous les policiers croisés sur notre route ont fait mine de détourner le regard…). On roule 30km au Nord pour découvrir les magnifiques dentelles de pierre du temple de Banteay Srei.


L’après-midi est l’occasion de revenir sur le site principal d’Angkor et d’explorer à notre guise les temples moins touristiques (mais tout aussi beaux) situés sur la « grande boucle » que sont Ta Som, Neak Pean et Preah Khan.



On retrouve Marco et Marie, et un couple de leurs amis aussi en voyage, pour un coucher de soleil au sommet du temple de Pre Rup avant d’aller tous ensemble diner dans une bonne pizzeria sur Siem Reap.


Notre dernière journée dans les parages est dédiée au repos et à la planification du séjour laotien pour lequel nous prenons le bus au petit matin du 25 Janvier, encore sous le charme des temples khmers.