Le Chili – Trek W, Partie 2

Jour 3 – 13 km

Le beau temps a tiré sa révérence. Au réveil tout est détrempé et nous allons prendre notre petit-déjeuner à l’abri d’une tonnelle commune. Plusieurs randonneurs sont là dont Dave et Aimy, deux anglais de Manchester, et cet autre britannique de 60 ans qui se fait des œufs brouillés. Ça parle Brexit et Labour Party pendant qu’on mange notre porridge amélioré au dulce de leche.

Aujourd’hui, les sacs restent à la tente. On se rend sur la journée au Mirador Británico, fameux pour ses vues sur le parc encadrées par les massifs de Paine Grande et des Cuernos. On ne prend qu’un petit sac pour deux dans lequel on glisse le strict nécessaire : de l’eau, les sandwichs du midi et bien sûr des fruits secs, notre réserve énergétique d’appoint.

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La pluie a laissé place à un bel arc-en-ciel
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Promenons-nous dans les bois

Le chemin qui commence dans les bois, grimpe pas mal et nos épaules nous remercient de leur offrir une journée de répit.

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Les contrastes saisissants nous saisissent

A intervalles réguliers, le tonnerre gronde dans le lointain. Arrivés au mirador de la Valle Francés, on se rend compte que les grondements proviennent en fait du glacier suspendu qui nous fait face et duquel se détache de gros blocs de glace. On s’arrête, attentifs au moindre craquement, malheureusement lorsque l’on en perçoit un, il est déjà trop tard et on a juste le temps d’apercevoir la trainée blanche laissée par la glace pulvérisée de l’avalanche.

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Pause conquérante au Mirador Francés, face (ou plutôt dos) au glacier

Un mexicain marque comme nous une pause ravitaillement et nous offre même une sucrerie au couleur de son pays. On discute brièvement puis il nous propose de nous tirer le portrait avec son polaroid. La proposition est trop originale pour être refusée. On retrouve avec plaisir la gentillesse spontanée caractéristique de tous les mexicains qu’on a croisé jusque-là.

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La gentillesse des mexicains

La randonnée n’en finit plus de monter et la forêt fait place à des monticules rocheux. La vigilance est de mise si l’on veut conserver nos chevilles, surtout avec la fatigue accumulée.

Au mirador Británico, point culminant de la randonnée, les barrières rocheuses forment comme un cirque. Grandiose ! Devant nous, les pics acérés accrochent le regard alors que derrière, la vallée s’ouvre sur le lac Nordenskjöld.

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Bienvenue au cirque britannique !
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Quand on dit acéré …

Comme souvent dans ce genre d’endroit magnifique, on retrouve des personnes tellement obnubilées par la prochaine photo qu’elles vont mettre sur leurs réseaux sociaux qu’elles empêchent toute autre d’en profiter. Le mirador Británico ne déroge pas à la règle et le meilleur point de vue est accaparé par une yogi qui enchaîne les pauses de yoga… On apprécie la souplesse et le sens de l’équilibre mais moins l’égoïsme et le culte de l’image ; au bout de la vingtième pause, on estime avoir été assez patients.

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Enfin, on a droit à notre portrait

Remplis de la grandeur des lieux, qui diminue à mesure qu’arrivent les randonneurs, nous entamons notre retour au camp. Au point de départ, trois carpinteros negros pas bien effrayés par notre présence nous font une démonstration de sculpture sur bois.

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Les charpentiers noirs

Au camp, on retombe sur Agathe, Franck et Julien qui se promènent. Eux sont en “demi-pension” c’est-à-dire qu’ils logent en refuge et ne portent ni matériel de camping, ni nourriture. Alors qu’on papote, deux têtes bien connues se rapprochent : ce sont Julien et Nolwenn rencontrés sur l’Evangelista ! Ils nous racontent que notre enthousiasme les a convaincus de se lancer dans le trek. Partis la veille dans l’autre sens, ils ont eu la chance de voir les Torres sous un ciel resplendissant ! Ils nous font rêver… Chacun se souhaite bon courage pour la suite et on espère bien se revoir à la fin pour partager nos meilleurs moments autour d’une bonne bière patagonne !

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Dîner sous les étoiles

Jour 4 – 20 km

C’est sous un ciel grisâtre que l’on replie nos affaires. Aujourd’hui c’est le dernier jour avant l’ascension aux Torres.

On randonne essentiellement au bord du lac Nordenskjöld, l’occasion de perfectionner nos ricochets.

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1, 2, 3…
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Le déjeuner en sac Ziploc, une astuce apprise de Nathalie et Jonathan sur l’Ile de Pâques

Au fil du chemin, la végétation se fait de plus en plus sournoise cachant de larges flaques sous d’épaisses touffes ocres. Un pas trop assuré et c’est le drame … le pied est englouti, la chaussette trempée ! Sous le regard amusé d’autres randonneurs (aux chaussures imperméables contrairement à nous), on n’a pas d’autre choix que de traverser le passage marécageux pieds nus, attendant de sentir sous nos plantes un sol plus solide pour pouvoir se rechausser.

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Mouillée de la tête aux pieds

Sur les derniers kilomètres, la pluie vient pimenter la partie et on est plus qu’heureux de découvrir dans un virage le camp Chileno où l’on va passer la nuit.

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Dans cette gorge, le camp

Chileno est le camp le plus proche des Torres encore ouvert à cette saison. Faute de disponibilité, on n’a pu y réserver qu’une plateforme déjà munie d’une tente et de couchages (bien plus chère qu’une simple plateforme comme ce qu’on avait jusque-là) mais vu la pluie qui dégouline sur nos affaires, on est en fait bien contents de ne pas avoir à déplier notre matériel et on file profiter des espaces communs du refuge.

On y découvre une petite salle chauffée par un poêle à bois, très agréable après cette journée humide, et étonnamment peu remplie (les autres voyageurs semblent préférer s’entasser dans le grand hall principal). On est là à faire sécher nos chaussettes lorsque surgissent Agathe, Franck et Julien qui restent aussi au refuge. On passe notre soirée à papoter ensemble de tout, de rien, planifiant la journée tant attendue du lendemain et surtout espérant une météo plus clémente.

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Damien, un brin jaloux du filet de poisson dans l’assiette de sa voisine

Jour 5 – 8 km

C’est le grand jour ! Aujourd’hui, on monte voir les Torres, ces trois dames de granit qui font la réputation du parc. Leur beauté est soi-disant démultipliée par le soleil levant, du coup on se met en marche avant 7h du matin, une fois notre incontournable porridge avalé.

On s’avance dans la pénombre accompagnés d’Agathe, Franck, Julien et François, un autre français rencontré à Chileno. Ce dernier à la fougue de ses vingt ans et, parti sans lampe torche, il finit par marcher entre nous dans le faisceau de nos frontales.

Sur le chemin qui monte, on se rappelle que des randonneurs ont déjà vu des pumas à cette heure-ci dans le parc. On se plait à rêver même si on sait notre troupe un peu trop bruyante pour le discret félin.

Sans nos sacs restés au camp, la montée prend un peu moins de deux heures. Si les tours ne sont pas encore visibles, le soleil souligne déjà de rose les nuages derrière nous.

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On croise les doigts pour un ciel aussi dégagé que le premier jour de trek, malheureusement la brume reste accrochée aux tours ce matin…

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Agathe et Gisèle patientent alors que les Torres jouent à cache-cache

Il est encore tôt, du coup on s’attarde un peu et bien nous en prend car un quart d’heure plus tard, le vent échevèle les lambeaux brumeux et les tours apparaissent enfin !

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Ta-dam !

Le ciel n’est pas aussi bleu qu’au premier matin mais on ne boude pas notre chance. Une semaine auparavant, Elodie, une copine de Toulouse, était montée dans la neige et le froid pour finalement ne rien voir, même pas le bout d’un rocher des géantes !

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Un dernier coup d’oeil avant de s’en aller

Sur le chemin du retour, on est envahi du délicieux sentiment d’accomplissement. On renfile nos sacs au camp puis on parcourt nos derniers kilomètres dans ce parc fantastique accompagnés de notre trio d’amis, Agathe, Franck et Julien.

Depuis ce matin, le temps s’est fortement dégradé et on avance maintenant tout encapuchonnés. Les touristes venus voir les Torres sur la journée font des mines d’enterrement… décidément on ne mesure pas la chance qu’on a eu ces quatre derniers jours !!

Le trek se termine sur un parking où les randonneurs attendent patiemment la navette qui les ramènera à Puerto Natales. On savoure le bonheur de poser les sacs et de retrouver les mines croisées dans le parc au fil des kilomètres. On revoit notamment Dave et Amy, le couple mancunien, qui nous propose de célébrer l’anniversaire de Dave, et la fin du trek, sur Puerto Natales ce soir. Il ne faut pas plus d’arguments pour nous convaincre !

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La belle endormie

De retour à Puerto Natales et à notre auberge en début d’après-midi, on enchaine séchage de vêtements, aérage de chaussures et rempaquetage de sacs pour être fin prêts le lendemain face aux nouvelles aventures qui s’annoncent.

Le séjour en Patagonie chilienne tire à sa fin et on passe nos dernières heures éveillées avec l’agréable compagnie de Dave, Amy, François et d’une énorme parillada aux multiples bouts de viandes. Parfait pour se remettre des efforts de ces derniers jours !

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