La Bolivie – Notre grain de sel à Uyuni

Le moteur du minibus chante sa berceuse alors que nous finissons notre nuit sur la route qui mène à la frontière chilo-bolivienne. Deux rangées devant nous, Mickaël et Camille sont eux-aussi assoupis. Nous sommes tous quatre en partance pour un nouveau pays, la Bolivie, et son plus fameux trésor, le Salar d’Uyuni.

Il est encore tôt et la frontière chilienne n’est pas encore ouverte. Un petit-déjeuner bien complet nous fait patienter jusqu’à l’ouverture des barrières à 8h et les guides en profitent pour organiser les touristes des nombreux minibus en groupes suivant la compagnie avec laquelle ils ont réservés leur excursion.

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Café chaud en attendant de passer la frontière, on n’est pas tout seul !

Notre équipée de six est composée d’un Italien taciturne, d’une Américaine en vacances et de quatre Français en tour du monde. L’Américaine ne parlant pas un mot d’espagnol, Gisèle s’improvise interprète à la frontière et apprend ainsi que si le visa bolivien est gratuit pour les Français, les ressortissants des États-Unis doivent débourser près de 150$, résultat des tensions politiques entre les deux pays, ce qui ne semble pas poser problème à notre Américaine, même pour un séjour de seulement quatre jours !

On délaisse le minibus pour une jeep floquée de la croix andine, symbole et nom de la compagnie « Cruz Andina » avec qui nous avons organisé nos trois jours dans cette contrée méridionale de la Bolivie. Gilmar se présente avec un grand sourire et les yeux rieurs ; il sera notre guide et chauffeur.

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Les sacs sont solidement attachés et protégés de la poussière sur le toit de la jeep

La première journée dans le Sud Lipez, en périphérie du salar, suit la thématique de l’eau. De la colonne de jeeps qui a quitté le poste frontière, on est parmi les premiers à arriver à la Laguna Blanca dont les sels de bore rehaussent la blancheur des gelées matinales.

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Du bore sur les bords

Un peu plus loin, la Laguna Verde tient sa couleur de minéraux d’arsenic et de cuivre notamment ; ou serait-ce à cause de cette princesse qui préféra se noyer ici avec sa plus belle émeraude pour échapper à un mariage forcé tel que nous le conte Gilmar?

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Plage de sel blanc et eaux vertes turquoises
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Un renard andin un brin curieux

On évolue dans des paysages désertiques tandis que les volcans Licancabur et Rosalita nous couvent, impasssibles, de leur oeil cyclopéen. Une vaste étendue caillouteuse bordée de crêtes arides ocre-orangé évoquent les paysages des peintures de Dalì, les locaux l’appelle à ce titre le « désert de Dalì ».

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C’est beau mais on n’a pas trop compris le rapport à Dalì

Avant le déjeuner, nous délassons nos corps secoués par la route dans les eaux thermales à 38°C de la lagune Chalviri, pendant que Gilmar troque sa casquette de chauffeur pour une toque de cuisinier. Un vrai chef au milieu du désert !

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Trempette dans un cadre hors du commun

Et quoi de mieux pour digérer qu’une petite marche au milieu des fumerolles de l’ensemble « Sol de Mañana » ? Chaque geyser a ici sa personnalité propre : l’un, paresseux, bave une boue grise ; son voisin, plus excité, éructe une boue jaune ; plus loin, une bouche ourlée d’orange exhale une fumée sulfureuse. On se croirait aux premiers jours de la Terre.

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Les marmites bouillantes de Sol de Mañana
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Bouches soufrées
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Hammam et bain de boue

Chaque arrêt dans ce Sud Lipez est sujet à émerveillement et la Laguna Colorada que l’on rejoint en fin de journée remporte la palme des yeux écarquillés. Les pastels jaune, violet et rose de la lagune, la vive couleur du plumage des flamants roses et les volcans autour, tout ici compose un tableau magnifique. Au soleil couchant, les contrastes s’accentuent. Un paradis pour les photographes en herbe que nous sommes !

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Du rose où que nos yeux se posent
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Gracieux flamants
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Pas beaucoup de voisins mais une vue époustouflante

Le soleil disparu, la nuit jette son voile d’encre. A l’hôtel Villa Mar, où nous devons passer la nuit, nous nous attendons à partager un dortoir avec ceux qui nous accompagnent dans la voiture, comme prévu lors de la réservation. Aussi sommes-nous ravis lorsqu’on nous propose en fait une chambre double privée. Les deux couvertures sur le lit sont un strict nécessaire dans cet endroit où le chauffage reste restreint à la pièce commune alors que les températures nocturnes s’effondrent.

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Soupe de quinoa et maté de coca pour le dîner

La deuxième journée décline le thème de la pierre avec, pour commencer, un tour au Rocas Eolicas, un ensemble de pitons rocheux sculptés par les éléments. Comme on le ferait avec des nuages, on laisse aller notre imagination sur les formes rocheuses, là la coupe du monde de football, ici un dromadaire.

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La viscache et le dromadaire

L’exploration géologique continue en poussant les portes du Pueblo de Piedra. Ici la montagne a été lentement rongée par les vents du désert ne laissant plus que des pans épars.

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Mur de pierre du Pueblo de Piedra

La Laguna Negra (ou Laguna Misteriosa) offre un cadre parfait pour un déjeuner en plein air. Une nouvelle fois, Gilmar nous épate : nous sommes au milieu du désert et pourtant, sur une nappe aux motifs andins s’étalent oeufs durs, macédoine de légumes, gratins de pommes de terre, fruits et jus de fruits.

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Saute lama

El canyon del anaconda, façonné par les ondulations d’un serpent géant d’après la légende populaire, conclut la journée en beauté.

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ça lézarde !

On passe la dernière nuit de notre expédition dans un hôtel de sel à Colcha K. Dans la chambre, les cristaux blancs recouvrent tout du sol au plafond, en passant par les murs et le cadre de lit. Hypertendus s’abstenir !

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Blanc comme sel

5h du matin, le jour J est enfin arrivé. On roule sur le salar alors que le soleil relève l’horizon d’un trait doré. Au-dessus de nous, les nuages se colorent de rose et d’orange et le ciel passe progressivement de l’indigo au bleu clair. Sous nos pieds, le salar étend ses polygones blanc à l’infini.

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Le ciel, cet artiste

L’astre solaire paressant, le moment est propice pour quelques photos se jouant des perspectives.

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La photo de base dans le salar d’Uyuni

Étendant ses 11 000 km2 à 3600 m d’altitude, le salar d’Uyuni est le plus vaste désert de sel au monde. Une récente campagne géologique aurait estimé que la moitié des réserves de lithium terrestre s’y trouverait, une manne économique pour le pays dont plus d’un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté. Et pourtant, cette trouvaille questionne et agite les débats dans le  pays. Une augmentation de l’exploitation du minerai s’accompagnerait d’une dégradation du milieu naturel, ce qui soulève de nombreuses réticences dans une région aux cours d’eau déjà largement pollués.

Par ailleurs, à qui reviendrait les profits de l’exploitation des mines de lithium ? Très certainement en grande partie à des compagnies étrangères et les restes seulement à la population bolivienne. Enfin, selon Gilmar, l’étude prouvant qu’il y a tant de lithium ayant été menée par un organisme états-unien, elle serait une manœuvre pour diviser politiquement le pays et in fine, mieux en exploiter les ressources…

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On n’a pas trouvé de lithium mais on a trouvé un Damien

Lit asséché d’un lac préhistorique, le salar d’Uyuni est plutôt plat et parfait pour faire des photos en trompe l’œil, activité incontournable dont chaque guide se révèle être un expert.

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Photos locas con perspectivas

Incahuasi, « la maison de l’inca » en quechua, vient troubler l’uniformité du décor avec ses cactus gigantesques et millénaires entre lesquelles courent des viscaches, petits rongeurs andins de la famille des chinchillas. L’île est sacrée et les locaux viennent aujourd’hui encore y réaliser offrandes et sacrifices au cours de cérémonies populaires.

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Le salar à perte de vue

A la fin de l’excursion, on marque un arrêt au premier hôtel de sel, installé aux bords du salar. L’établissement défraichi n’accueille plus de public et tombe en miettes faute d’entretien. Rien de spécial à part peut-être la statue de sel érigée à l’occasion d’un Paris-Dakar en Bolivie.

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Paris – … La Paz ?

Le tour s’achève dans la ville d’Uyuni, point de départ de nombreuses excursions dans le désert du même nom. Toujours accompagnés de Mickaël et Camille, on décide d’éviter cette escale, lui préférant la ville de Potosi, quatre heures de bus plus loin et 470 m plus haut.

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La joyeuse bande de cette excursion magique

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