La Bolivie – Géant Huayna Potosi

Après plus d’un an passé ensemble vingt-quatre heures sur vingt-quatre, nous allons bientôt vivre quelques jours séparés !

Damien, qui rêve de sommets depuis son arrivée à La Paz, s’est décidé à tenter l’ascension du Huayna Potosi, un géant culminant à 6088 mètres d’altitude. Gisèle, déjà comblée par l’aventure Kilimanjaro, préfère elle rester sur le plancher des vaches pacéniennes.

C’est donc au matin du mardi 22 juin que Damien s’en va sous les encouragements de Gisèle, Mickaël et Camille pour l’ascension en trois jours du sommet à plus de 6000.

L’excursion est organisée par l’agence locale Jiwaki, où il fait connaissance avec les guides de montagne et ses futurs compagnons d’aventure. Une fois les harnais, piolets et crampons récupérés, tout le monde saute dans le minibus pour parcourir les 25km qui séparent la ville, déjà perchée à 3700m d’altitude, du camp de base au pied de la montagne à 4700m, soit l’altitude du plus haut camp du Kilimanjaro.

Arrivée au premier camp sans trop d’effort

La première journée est consacrée à la familiarisation avec les équipements et à l’entrainement aux techniques d’alpinisme, dont notamment l’escalade sur paroi de glace.

En route vers le mur de glace !

Surprise à l’arrivée, la joyeuse bande ne sera pas la seule à jouer du piolet sur le mur glacé ; des militaires boliviens sont aussi là pour s’entraîner.

Verticalité glacée pour s’acclimater

En s’épuisant sur la paroi verticale, cette journée permet aussi une acclimatation accélérée. De retour au chaud, un dîner, une tisane et tout le monde file au lit sans faire un pli alors que le soleil décline à peine.

De son côté, Gisèle profite de cette première journée pour visiter le musée de l’ethnographie et du folklore. Dans la salle consacrée au textile, elle apprend tout de la tonte au filage de la laine en passant par la teinture naturelle jusqu’au tricot des fameux bonnets péruviens dont chaque région peut s’enorgueillir d’un modèle particulier. Plus loin, une salle présente les magnifiques masques utilisés dans les fêtes traditionnelles telles que le fameux carnaval d’Oruro reconnu par l’UNESCO comme patrimoine culturel de l’humanité.

Au choix, masque pour accompagner le costume cravate du bureau ou la robe de soirée

A midi, elle retrouve Camille et Mickaël pour un déjeuner entre amis avant de rejoindre l’immense marché à ciel ouvert qui s’étale dans les rues au-dessus du quartier de San Pedro. Ici, on trouve de tout. Passé les nombreux étals de fruits et légumes, on farfouille parmi les culottes, passe en revue les derniers CDs et DVDs ou négocie quelques outils de bricolage. En soirée, le shopping continue avec Camille et Mickaël qui font le tour des boutiques du quartier touristique à la recherche de quelques souvenirs. Demain, ils partent pour de nouvelles contrées. On ne sait pas exactement où ni quand, mais rendez-vous est pris pour se revoir un jour 😉  

Les cholitas et leurs chapeaux melons en équilibre

Deuxième jour, Damien entame six heures de marche à travers les paysages grandioses de la cordillère des Andes. 

Le sommet du Huayna nous défie au loin, la route est encore longue

Les feuilles de coca bien calées entre la joue et les dents, tout le monde marche d’un bon pas malgré les kilos sur le dos et le manque d’oxygène.  Si bien que le deuxième et dernier refuge à 5200 mètres est atteint en début d’après-midi. A peine les affaires posées, la fine équipe engloutit le goûter-diner préparé par les guides.

Oasis de confort en milieu hostile

La fin d’après-midi se passe tranquillement, perché loin de l’agitation humaine et du chaos de La Paz à profiter du panorama en se brossant les dents avant d’aller se coucher vers 18h00 en prévision d’un lendemain difficile.

La plus belle salle de bain du monde

Alors que Damien mâchait sa coca, Gisèle visitait le petit musée consacré à cette plante diabolisée dans nos cultures occidentales par l’usage récréatif qu’il en est fait. Dans une toute petite salle, des panneaux imprimés de manière artisanale expliquent la culture de la plante et son usage traditionnel, à la fois outil spirituel et aide au travail quotidien, dans les mines notamment. Les Incas s’en servaient ainsi déjà comme anesthésiant lors d’opérations chirurgicales telles que des trépanations, avant que ses propriétés stimulantes ne soient exploitées dans le vin Mariani en France et le fameux Coca-Cola aux États-Unis. 

La coca est un véritable fait culturel bolivien

L’usage de la plante pour la production de cocaïne est aussi abordé avec la reproduction d’un laboratoire illégal, la description des manipulations chimiques pour passer de la feuille verte à la poudre blanche, ainsi que la dépendance de l’utilisateur final.

Plus haut dans les montagnes, la nuit est courte. Damien se réveille à minuit, non sans un léger mal de tête lié à l’altitude. Un peu de nourriture dans la machine et chacun s’équipe soigneusement avant de lever le camp dès 1h00 du matin pour l’ascension finale. Encordé avec un guide et un camarade turque chef de restaurant, Damien commence à marcher dans la nuit glaciale. La voûte céleste est incroyablement pure et lumineuse ; au ras-du-sol, l’éclairage des frontales forme une procession de lucioles qui avance lentement à l’assaut du géant Huayna Potosi, dont l’immense silhouette noire domine le paysage.

On s’encourage entre nous pour ne pas abandonner maintenant

L’ascension prend presque six heures, à avancer le souffle court et à petits pas – piolet, crampon gauche, crampon droit ; piolet, crampon gauche, crampon droit… Le groupe prend des pauses à intervalles réguliers pour se réhydrater et se forcer à manger quelques sucreries en essayant d’oublier le froid qui mord chaque morceau de peau exposé. Plus on avance et plus la procession s’étiole, reflétant les niveaux de forme et de motivation de chacun. Beaucoup abandonne sous l’effet de la fatigue physique ou mentale, certains souffrent aussi du mal des montagnes. Une des pauses prise après le passage d’un versant bien raide fait brièvement oublier la fatigue et le froid lorsqu’El Alto apparait en bas au loin, brillant de mille feux sur l’Altiplano.

El Alto, brasier dans la nuit

Dans l’aube naissante, la dernière difficulté consiste à arpenter l’arrête de glace d’à peine un mètre de large, parfois moins, qui mène au sommet. Ici, pas le droit à l’erreur sous peine de dévaler les centaines de mètres de pentes glacées qui se déroulent vertigineusement à droite comme à gauche.

Il est 6h50, le crâne fait mal et les poumons brûlent, mais, lorsqu’après un dernier effort, le sommet du Huayna Potosi est atteint à 6088m d’altitude, la joie se mêle instantanément à un sentiment de fierté qui efface tout.

Perché à plus de 6000 mètres et HEU-REUX !!

Le bonheur est décuplé par un panorama grandiose à 360 degrés. Dans la lumière irréelle du soleil levant qui embrase l’atmosphère ténue, le regard caresse l’horizon, de la Cordillère Royale à l’Altiplano, et jusqu’au lac Titicaca ! 

Immense panorama

Après une quinzaine de minutes à savourer et immortaliser l’instant, l’heure est venue pour l’ultime épreuve, et peut-être la plus dangereuse à cause de la fatigue accumulée, la descente.

On repart sous le soleil

Avançant précautionneusement, la peau réchauffée par les rayons du soleil mais bien protégée sous une épaisse couche de crème, il faut trois bonnes heures pour rejoindre le refuge d’altitude, reprendre des forces, refaire les sacs, et repartir pour deux heures de marche jusqu’au camp de base. Ce n’est qu’une fois là-bas que les jambes pourront s’arrêter et l’esprit se reposer dans le minibus qui rentre sur La Paz.

Loin de l’adrénaline de sa moitié, Gisèle passe une troisième journée autrement plus calme au sein de l’étonnant cimetière de la ville. Ici, pas de tombes pavillonnaires mais plutôt des tombes HLM empilées sur cinq étages, où l’on trouve même parfois des avis d’expulsion. Il n’y a aucun touriste mais pour un lundi, l’endroit est plutôt animé avec beaucoup d’enfants qui courent dans les allées, des familles qui pique-niquent, de nombreuses offrandes à la Pachamama et plusieurs enterrements dont certains sont animés par prêtre et un guitariste.

Vous êtes enterré à quel étage?
En tout cas l’endroit est coloré

En milieu d’après-midi, Damien est de retour à l’auberge, éreinté mais comblé. Une bonne douche, des affaires propres et une sieste dans un lit confortable sont autant de plaisirs simples dont il ne se prive pas. Plaisirs partagés par la bande internationale d’alpinistes en herbe que nous retrouvons en soirée autour d’un bon burger pour un dernier moment de convivialité et se remémorer tous ensemble l’exploit de la journée. 

Lever de soleil sur la cordillère des Andes

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