La Bolivie – Expédition en Amazonie

L’Amazonie, poumon de la Terre et rêve d’enfance de Damien qui pensait un jour y installer sa cabane dans les arbres. Sachant que 30% du territoire bolivien est situé dans le bassin amazonien et que nous en sommes si proches, comment résister à l’appel ? Ainsi, alors que Damien atteignait des sommets, Gisèle écumait les agences de La Paz pour trouver notre ticket vers cette forêt mythique.

Sur la base de nombreuses lectures, et quelques bons conseils de voyageurs croisés sur le continent américain, on choisit le parc national Madidi, accessible depuis la ville de Rurrenabaque située à quelques 430 km au Nord de La Paz. Pour s’y rendre, deux options s’offrent à nous : soit on grimpe dans un bus pour plus de 12 heures de trajet chaotique sur une route où l’on ne compte plus le nombre d’accidents ; soit on fait le choix certes un peu moins économique, beaucoup moins écologique mais sacrément plus sûr de monter à bord d’un avion. A ce moment du voyage, la deuxième option est de loin notre favorite.

Une dernière nuit sur La Paz et nous voici dans les airs en direction de Rurrenabaque. L’avion n’est pas bien gros et vole à relativement basse altitude ce qui nous permet d’apprécier le changement de paysages qui s’opère sous les ailes. Les sommets de la Cordillère des Andes cèdent peu à peu la place à de vastes et luxuriants paysages.

Nous quittons El Alto et l’enneigé Huyana Potosi pour la verdoyante Amazonie

Lorsque l’avion atterrit sur la bande goudronnée qui s’étire au milieu de la forêt, on a l’impression d’arriver dans un camp de contrebande. On est forcé de reconnaître qu’une fois garé sur la piste poussiéreuse, notre coucou a de vrais airs de taxi brousse. 

Allo Papa Tango Charlie

Le climat à Rurre (de son petit nom local) est tropical à souhait et on apprécie découvrir une piscine en arrivant à l’auberge. Mais avant d’en profiter il nous faut d’abord régler la question de notre excursion dans le parc Madidi ! Les discussions menées sur La Paz auront permis de débroussailler le terrain et d’avoir une bonne idée des prix pratiqués, très utiles pour nos négociations. Très vite, le choix s’oriente vers les prestations de l’agence Escorpion, spécialiste des excursions en mode « survie » où les clients construisent eux-mêmes leurs abris et vont chercher leur nourriture en forêt. L’agence propose aussi des excursions plus traditionnelles, sans chichis, qui nous correspondent bien mieux que les séjours en lodge de ses concurrents.

Le lendemain matin, Milton, notre guide local, nous récupère avec Shara, Mor et Lior, trois israéliens fraichement sortis de leur service militaire, pour trois jours dans la selva (la jungle) et trois autres dans la pampa (la plaine fluviale). 

Vérification des paquetages

Après l’incontournable arrêt pour approvisionner Milton en feuilles de coca, nous embarquons pour une heure de pirogue sur le Rio Beni, un lointain affluent du fleuve Amazone. A l’entrée du parc Madidi, le garde forestier qui contrôle nos droits d’entrée nous donne un aperçu de ce qui nous attend dans la jungle : à 5h du matin, il s’est vu réveillé par une armée de fourmis venue dévorer un nid de cafards dans sa cabane. Il nous montre la fin de la colonne d’insectes en train de quitter la maison et nous explique qu’il a été obligé de vite fuir à l’extérieur pour ne pas disparaître sous les voraces mandibules !

Les ogre-fourmis (grosses comme le pouce) et le coati-garou

Une heure de bateau supplémentaire et nous débarquons au campement, le seul présent sur les berges du Rio Hondo. Dans cet endroit reculé, au cœur de la jungle, deux maisons en bois sur pilotis se dressent dans une clairière, fragile manifestation de l’Homme au milieu du monde sauvage. Il est midi et Rina, notre cuisinière, s’affaire déjà au fourneau avec les vivres que nous avons amenés avec nous du village.

Petit paradis

A la table du déjeuner, deux français finissent leur repas. Ils reviennent de quatre jours en mode survie et nous racontent leurs aventures dans la selva : sa fièvre et son délire, à lui, après s’être fait transpercer le pied d’une épine (et ce malgré les bottes de pluie), les piqûres urticantes des mouches suceuses de sang après avoir voulu se laver à la rivière, la faim qui les a tiraillés faute de trouver leur nourriture mais aussi son excitation, à elle, lorsqu’elle a aperçu les yeux de trois bébés jaguar au cours d’une excursion nocturne (enthousiasme vite douché par le guide lui rappelant que bébés veut aussi dire maman qui chasse et tue pour les protéger … tout de suite plus effrayant !). L’Amazonie reste un territoire hostile et nos deux français doivent écourter leur séjour afin de rejoindre un hôpital.

La pirogue, taxi d’Amazonie

En guise de marche digestive, Milton nous propose une sortie moins extrême à la découverte des alentours du campement. Enfant de la forêt, il connait bien les différentes essences et leurs propriétés comme l’arbre ajo-ajo, un excellent anti-moustique (et un bon tue l’amour aussi de par l’odeur aillée qu’il laisse sur la peau) ou le sangre de toro dont la sève rouge sang calme les douleurs d’estomac. 

Petit cours d’herboristerie sous la canonnée (et les chemises c’est pour les moustiques, pas pour le style)

A 21h, les lumières s’éteignent dans le camp et le ronronnement du groupe électrogène laisse place aux bruissements de la forêt. Bercés par ces sons exotiques et mystérieux, on s’endort béats.

Le matin, c’est le bruit beaucoup plus familier de la pluie qui nous réveille… La marche prévue dans la matinée se transforme en atelier « joaillerie » au cours duquel nous façonnons bagues et pendentifs à partir de graines diverses pour faire passer le temps. On est ravis de nos nouveaux pendentifs mais on trépigne de pouvoir arpenter la jungle toute proche !

Le joaillier fou et ses créations

Heureusement, la météo s’améliore et nous partons aussitôt le déjeuner englouti en direction d’un second camp encore plus isolé dans la jungle. Milton ouvre la marche, machette à la main. On suit tout excités, transportant dans nos sacs la nourriture pour 2 jours et de quoi dormir sous la canopée amazonienne.

Machete boy

Alors qu’on s’enfonce dans la dense végétation, Milton nous désigne de nouvelles essences : le mortel curare, le palmier palta dont les fruits comestibles rappellent l’avocat ou encore le palo de diablo à l’écorce parcourue de fourmis de feu, un système de protection imparable !

Les sens sont en alerte et nous vivons pleinement un rêve de gosse. Même si les animaux jouent la carte de l’invisibilité, on sait qu’ils sont là et on les imagine sans peine nous observer depuis leurs cachettes. On entend des cochons sauvages sans en voir le groin et on devine la présence du jaguar aux empreintes fraichement laissées dans la boue. Milton réussira tout de même à déloger une tarentule de son nid douillet, pour un bref instant et notre plus grand plaisir.

Des empreintes toutes fraiches mais pas une moustache à l’horizon
Maïtika est pour sa part bien au rendez-vous

Le second camp apparait dans la fin d’après-midi aux abords d’un petit lac.  Il se compose de trois fois rien : une tente en guise de cuisine, une plateforme protégée d’un toit de tôle où l’on installe nos moustiquaires et matelas pour la nuit, et un WC sans porte au milieu des arbres. Sur la berge opposée, les sereres, des sortes de grosses poules préhistoriques, soi-disant le chainon manquant entre dinosaures et oiseaux, se perchent pour passer la nuit.

Notre cabane dans les bois
Les juvéniles des sereres (ou hoazins huppés) possèdent des griffes alaires dont ils se servent pour s’agripper aux branches

Au milieu de la jungle, Rina nous régale à nouveau d’un dîner d’exception que Milton rehausse d’une bouteille de vin tirée de son sac. Dans la jungle comme partout en Bolivie, la Pachamama a droit à la première gorgée et chacun verse un peu de son verre sur le sol. Le reste accompagne les histoires d’excursion en forêt que nous raconte Milton, avant-goût de l’excursion nocturne dans laquelle il nous entraine après dîner. 

Nos frontales à la main afin de ne pas se prendre un insecte dans la tête, on est à l’affut du moindre bruissement de feuilles et surtout du moindre feulement, les félins étant plus actifs une fois la nuit tombée. Malheureusement (ou heureusement ?) nous n’apercevons que les yeux brillants d’un cervidé au milieu des fourrés. On profite de cette rencontre pour éteindre nos lumières et gouter à l’obscurité de la jungle. Pas un rayon de lune ne traverse ici le dense feuillage mais les sons remplissent l’espace et mettent nos cerveaux dans un état d’alerte primitif. L’expérience est un étrange mélange entre l’excitation de se sentir totalement vulnérable et la sensation incroyablement sereine de ne faire qu’un avec la nature.

De retour au camp, on se blottit sous nos moustiquaires, unique séparation avec la nature qui nous entoure. Nous passons une nuit étonnamment bonne, bercés par l’envoutante symphonie amazonienne. Au matin, nous rejoignons un bras de rivière et tentons de pêcher quelques poissons pour le midi, sans succès… Heureusement que Rina ne comptait pas sur nous pour ramener le déjeuner ou nous serions rentrés au camp principal le ventre vide.

Le coin était pourtant sympa

La pluie de ces derniers jours semble avoir découragé les animaux. Pour ce dernier jour dans la selva, nous perfectionnons donc notre pharmacopée naturelle en découvrant l’anesthésiant de la jungle (digne d’une visite chez le dentiste) et la liane griffe chat, véritable gourde végétale, bonheur des assoiffés.

Au matin une pirogue nous ramène à Rurre puis nous partons en direction de la pampa à Santa Rosa de Yacuma. Notre groupe s’agrandit d’un bolivien de Santa Cruz et d’une famille de La Paz.

Au-revoir Selva, bonjour Pampa

On change de décor. Fini les arbres dont on ne distingue plus la cime. On embarque à bord d’une nouvelle pirogue pour trois jours sur les eaux cuivrées du Rio Yacuma, entre brousse et marécage. Ici, Milton n’a pas besoin de nous indiquer où regarder. Où que nos yeux se posent, nous voyons sur des animaux. Les berges pullulent de caïmans se dorant au soleil. Au-dessus d’eux quelques arbustes abritent des sereres, pas très sereins de se trouver si prêt de ces bouches pleines de dents. Plus loin, des tortues jouent les poupées gigognes empilées sur un même tronc alors qu’une famille de capybaras vient s’abreuver.

La journée se termine par un flamboyant coucher de soleil sur la pampa. Sur le retour à notre auberge, Milton coupe le moteur de la pirogue et nous goûtons à un silence envoûtant sous le dôme étoilé. On est là à repérer les yeux jaunes des crocodiles qui brillent sur les berges lorsque cinq boules de feu traversent au ralenti la voûte céleste pendant au moins cinq secondes. Météores ? Bouts de satellite retombant sur Terre ? L’impressionnant phénomène interroge tout le monde et marquera, pour sûr, les mémoires de chacun tellement il semble hors du commun.

Embrasement général

Une demi-rotation de globe plus tard et l’astre solaire embrase à nouveau la pampa. On profite de la fraicheur du matin pour partir à la recherche d’anacondas. Ce serpent constricteur dont les plus beaux spécimens peuvent atteindre une dizaine de mètres apprécie les marécages et c’est chaussés de bottes que l’on avance avec précaution au milieu des jacinthes d’eau. Damien est le premier à repérer des ondulations. C’est un cobra, espèce venimeuse et potentiellement agressive, qui prend heureusement bien vite la poudre d’escampette.

Un groupe de touristes s’agitent un peu plus loin et on découvre rapidement qu’ils ont débusqué un anaconda adolescent d’1m50 tout au plus ; notre premier et unique serpent.

Mission accomplie

La torpeur tropicale a raison de nous dans l’après-midi et ce n’est qu’une fois la chaleur un peu retombée qu’on regagne de l’énergie. De suite mise à profit pour compléter le repas du soir de savoureux piranhas ! On ne dirait pas comme ça mais les eaux couleur thé au lait qui nous entourent en regorgent. Sous les yeux intéressés de deux caïmans qu’il nous faut repousser à coups de rames, on pêche plus d’une vingtaine de piranhas avec un record pour Damien qui a sorti quinze poissons à lui seul ! Grillés, avec un filet de jus de citron, ces dents du rio sont tout simplement délicieuses !

Gnak gnak gnak

Pour notre dernière matinée dans la pampa, Milton nous a réservé une surprise : une baignade avec des dauphins de l’Amazone. Ceux-ci ont la particularité d’évoluer en eau douce et de se teinter d’un rose vif quand ils sont excités. On en a justement croisé un groupe la veille qui s’amusait à éclabousser notre pirogue et on les retrouve au même endroit, sortant le rostre de l’eau par intermittence. Milton nous enjoint alors de sauter à l’eau. Vraiment ? A la barbe des caïmans qui nous observent de toutes parts et faisant fi des piranhas dont on a pu apprécier la densité de population et le tranchant des dents la veille ? L’idée est trop folle pour qu’on y résiste bien longtemps et nous voici donc barbotant au milieu des dauphins qui nous éclaboussent joyeusement. Les dauphins se nourrissant de piranhas et n’étant naturellement pas attaqués par les caïmans, Milton nous dit qu’on n’a pas grand-chose à craindre à nager auprès d’eux et on lui fait confiance. L’adrénaline nous fait cependant glapir quand ils nous frôlent de leur rostre par curiosité sans qu’on ait pu les voir venir dans ces eaux brunâtres.

Flippant flipper

Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin et il est déjà l’heure de quitter ce paradis. Alors que la pirogue file vers l’embarcadère, on salue une dernière fois caïmans, capybaras, monos amarillos, aras et sereres. Alors qu’on embarque dans la jeep direction Rurrenabaque, un anaconda de belle taille traverse la route devant nous mettant un superbe point final à cette aventure sauvage et fantastique.

En fin d’après-midi, un avion nous ramène sur La Paz. On fait nos adieux à la famille bolivienne avec qui nous avons adoré discuter ces trois derniers jours (nos amis israéliens étaient bien moins loquaces dans la langue de Cervantes). On a découvert avec eux l’accueil et la sympathie des Boliviens qui jusque-là nous avaient paru un peu froids. C’est juste un peuple sincère qui ne sourit pas aux premiers venus mais s’ouvre à ceux qui font l’effort de partager leur culture et leurs expériences.

¡ Hasta luego Amazonia ! 

Familia extendida

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