Le Pérou – Sur les pas des fils du soleil

En attendant Sadia et Virginie, deux copines qui nous rejoignent pour leurs vacances, nous découvrons les trésors de Cusco, capitale inca fondée au XIe ou XIIe siècle par les illustres Manco Capac et Mama Ocllo.

Véritable carrefour de l’axe économique transandin, Cusco (« nombril » en quechua) était le centre névralgique de l’empire inca avant d’être largement détruite par les conquistadors espagnols lors de leur arrivée au XVIe siècle. Dans le centre-ville, chaque bâtiment raconte cette même histoire : sur les solides fondations en moellons des Incas se dressent de larges églises ou de belles maisons coloniales.

L’église de la compagnie de Jésus et de beaux balcons ouvragés sur la Plaza de Armas

Délaissée au profit de Lima et d’Arequipa, la ville connut un nouvel essor au début du XXe siècle lorsque l’archéologue américain Hiram Bingham découvrit les ruines du Machu Picchu en juillet 1911. Le musée consacré à la célébrissime cité oubliée est par ailleurs une excellente introduction au site que l’on visitera dans quelques jours.

Les objets exhumés sur place et exposés dans le musée étaient plusieurs hypothèses quant à la fonction de la ville comme résidence d’élites et centre religieux. Dans des tombes, les archéologues ont retrouvé de nombreux bijoux ainsi que des crânes allongés, marque de noblesse chez les Incas : le crâne des bébés était alors enserré dans des linges pour lui faire prendre une forme ovoïde (procédé que l’on a retrouvé chez les Égyptiens ainsi que dans certaines tribus d’Afrique). D’autres tombes, plus modestes, renfermées des jarres ou des outils, reflets d’une vie de paysan ou d’artisan, les forces vives de la cité.

Une maquette permet enfin de bien se rendre compte de la position surprenante de la cité (en haut d’un piton rocheux) ainsi que de son étendue. 

Une soupe, un plat du jour et une boisson pour moins de 2€, que mas?

On prend un peu de hauteur après un excellent completo parmi les habitués du marché de San Blas, en se rendant à la forteresse Saqsaywaman. 

Cette immense forteresse aurait été érigée à l’initiative de l’empereur inca Pachacutec vers le XIIIe siècle. Une série de trois remparts érigés parallèlement et disposés en zigzag tel un éclair mène à penser à une fonction défensive de la citadelle mais la disposition particulière en cercle ou en étoile des fondations de certains édifices renvoie aussi au domaine du spirituel. Au mystère de sa fonction s’ajoute le mystère de sa construction. D’énormes blocs dont on ne peut imaginer qu’ils ont été amenés ici à la force des bras s’agencent sans trace aucune de mortier pour former une enceinte gigantesque. Bluffant !

Ici pas de mortier et pourtant les blocs de près de 200 tonnes sont parfaitement ajustés
La vue sur Cusco depuis le site vaut tous les efforts de la montée

Le lendemain matin, nous mettons entre parenthèse la civilisation inca le temps d’une visite au richissime monastère de la Merced, énième édifice religieux du centre cusquénien. Depuis notre arrivée en Amérique latine, on a eu l’occasion de visiter de nombreux couvents et monastères mais celui-ci est tellement riche qu’il en est presque décadent. Aux tableaux qui recouvrent les murs des deux étages du cloître s’ajoutent des plafonds en marqueterie et des colonnes de pierre délicatement sculptées.

Une salle concentre tous les trésors appartenant à cet ordre mendiant fondé à l’origine pour aider les chrétiens captifs des pirates maures. Aux portes-Bible et tabernacles en argent s’ajoute un Christ crucifié sculpté dans pas moins de cinq défenses d’éléphants (on aurait largement préféré que les éléphants ne soient pas sacrifiés…). Mais le clou de la collection est sans conteste un ostensoir en or d’1m30, recouvert de plus de 1500 diamants, 312 améthystes, 3 émeraudes, 1 topaze et bien d’autres rubis et pierres précieuses. Et comme si ce n’était pas suffisant, le tout est surmonté de la deuxième plus grosse perle au monde à la forme incongrue de sirène.

El Convento de la Merced, son riche cloître et sa superbe bibliothèque

Tant de richesses nous ouvre l’appétit et on retrouve Sadia et Virginie qui viennent juste d’arriver pour un premier ceviche au marché San Pedro. A deux pas de la Plaza de Armas, la structure en fer de ce marché couvert est la signature typique d’un certain Gustave Eiffel, ce monsieur a décidément laissé sa trace à travers le monde.

Les senteurs et les saveurs des marchés locaux

Pas le temps de souffler qu’on les embarque déjà pour une visite du Qorikancha, le temple du Soleil de Cusco et l’un des lieux les plus sacrés de l’empire inca. Le temple dont le nom veut dire « l’enceinte d’or » en quechua, se dressait au centre de la capitale et accueillait les cérémonies importantes des souverains incas telles que mariages, sacres et funérailles. Les momies des empereurs y auraient même été conservées avec leurs parures et trônes en or. Les écrits de colons espagnols décrivent les richesses fabuleuses, les murs ornés d’or et les autels incrustés de pierres précieuses. Mais pour asseoir leur domination, les conquistadors profanèrent et rasèrent le temple dont il ne subsiste aujourd’hui que les imposantes fondations sur lesquelles repose le couvent Santo Domingo. Ironie du sort, en 1950, un tremblement de terre causa d’importants dommages à la construction dominicaine alors que les restes du temple demeurèrent intacts. Certainement une histoire de karma.

Les solides fondations du temple du Soleil Qorikancha supportent désormais église et couvent
Le groupe au complet devant la cathédrale de Cusco

Si le talent de bâtisseurs des Incas s’exprime dans chaque recoin de Cusco, il se retrouve aussi aux alentours, et notamment dans la Vallée Sacrée ainsi nommée pour son importante concentration de ruines. Le long de la rivière Urubamba s’égrènent ainsi des ruines de forteresses, de bains et d’anciennes cités que l’on découvre au fil des kilomètres assis confortablement dans un 4×4 loué pour l’occasion et assez grand pour nous contenir tous les six. 

Au détour d’un virage, on troque l’inertie des pierres pour la vivacité des animaux du sanctuaire de Cochahuasi. Aimy, assistante vétérinaire dans la vie, est aux anges et chacun s’émerveille devant le vol des condors ou le rugissement du puma, tous sauvés du trafic illégal d’animaux.

Plus loin c’est le gigantesque site archéologique de Pisac qui étale devant nous ses terrasses suspendues à flanc de montagne. Les ruines superbement conservées de cette ancienne cité s’organisent en quatre quartiers, l’un dédiés à l’agriculture, un autre à la défense, un troisième au culte et le dernier au logement. 

On déambule parmi d’anciennes habitations et outre les toits de paille longtemps disparus, on imagine sans mal l’effervescence des rues étroites, les habitants affairés dans leurs maisons ou bêchant leurs terrasses. 

Moins couru que le Machu Picchu et pourtant très impressionnant
Les habitations de Pisac s’étagent à flanc de colline

Aux terrasses de Pisac se succèdent les salines de Maras, véritables curiosités de la nature. Devant nous, plus de 3900 bassins de sel cristallisé, dont le blanc se mêle à l’ocre de la terre, se succèdent sur les flancs du vallon. Ici point de mer mais une eau chargée qui s’écoule le long de la montagne et permet la production de sels de bain, de table ainsi que de fleur de sel.

Le ciel se reflète parmi les cristaux salins

On rejoint Ollantaytambo dans le jour déclinant et on s’endort face à ses ruines qui figurent parmi les mieux conservées du Pérou.

Au petit matin, on part découvrir leurs secrets accompagnés d’un guide local. En partie basse, les rues de la nouvelle ville prolongent les rues de la cité inca avec ses patios et ses habitations carrées. Une volée de terrasses mène au quartier spirituel et aux vestiges d’un temple dont la caractéristique la plus remarquable est certainement ces six formidables monolithes de porphyre rouge, haut de plus de trois mètres et précisément assemblés avec des blocs plus minces. 

Imaginez les conquistadors gravissant ces terrasses pentues sous les flèches des Incas
Des blocs impressionnants et un groupe de touristes contents

En face de nous se dresse un piton rocheux dont le guide nous explique comment les Incas s’en servait de calendrier. De janvier à mai, le soleil évolue du côté gauche du piton. En juin, il culmine au sommet, alors que de juillet à décembre, il passe sur sa droite. Ainsi, les Incas savaient quand planter ou travailler leur terre.

Le calendrier solaire inca

A Moray, à une vingtaine de kilomètres d’Ollantaytambo, on découvre que le savoir agrologique des Incas est encore plus précis. Ici les terrasses sont savamment agencées en cercles concentriques qui permettaient en fait de simuler une série de microclimats, la température étant alors plus élevée au centre et diminuant à mesure que l’on remonte les terrasses. On se trouve en fait devant l’INRA inca, un véritable centre de recherche agricole situé à plus de 3500 mètres d’altitude et qui permettait aux Incas de choisir les cultures les plus adaptées à différentes conditions thermiques.

Deux belles plantes à Moray

Pas le temps de planter une petite graine qu’il nous faut déjà rentrer sur Ollantaytambo pour embarquer à bord du train qui nous mènera à Aguas Calientes, au pied du Machu Picchu. On aurait volontiers tenté de rejoindre le mythique site baskets aux pieds et sacs sur le dos, mais le temps de nos vacanciers étant compté on choisit la voie des rails malgré un prix loin de notre budget de baroudeurs (60$ les 2 heures de train). 

Le sifflet résonne, la locomotive se met en branle et nous voici lancés vers l’étape mythique de notre périple péruvien !

Tchou tchou !

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